Cheikh Mohamed Bouali…
(Source : Emission « Kouitra & Rbeb », diffusée le 03/06/2005 sur Radio Tlemcen, avec les invités Salah Boukli, élève à Cheikh Bouali, et Abdellah Bouali, son fils.)
Né dans le vieux quartier de R’hiba à Tlemcen, le 10/02/1917 d’une famille particulièrement mélomane, son père El Hadj Ghouti, était lui-même musicien, chercheur et auteur de plusieurs écrits sur la musique andalouse, dont « Kachf El Qinaâ Aân Alat Essamaâ », en 1904…Eternel insatisfait qu’était Mohamed Bouali, ce n’était que pour faire de lui le grand professeur et protecteur de la Musique Andalouse Algérienne : Cheikh Bouali refusait l’appellation et la distinction connue des « Trois Ecoles »…
Jeune déjà, Mohamed Bouali berçait dans la musicalité des instruments et se familiarisait ainsi aux mélodies de la sanaâ (pièces classiques), et des qsayed (poèmes populaires), grâce son père…mais ce dernier refusait à son fils tout contact avec l’instrument, conservatisme bien justifié à l’époque, car la pratique de musique était mal vue et El Hadj El Ghouti voulait pour son fils une instruction lui assurant un avenir correct…Après la mort de Si El Ghouti, Med Bouali s’est mis à assouvir sans retenue sa curiosité envers les instruments et la musique en général. Avec son ami et voisin Ghouti Belkazi (un talentueux luthier lui valant le respect de Cheikh Rédouane), ils se rendaient chez Cheikh Omar Bakhchi, dans son magasin à la Rue Khadoun pour apprendre les secrets de la musique andalouse. En 1934, la SLAMfût créée par Cheikh Bouali et certains de ses amis (voir article « SLAM, l’histoire de toute une aventure… »)…Cheikh Bouali apprenait chez Cheikh Omar, et transmettait à son tour cet enseignement à ses amis ou élèves de la SLAM, jusqu'à ce qu’avec l’intérêt grandissant des jeunes, Cheikh Omar décida de ce déplacer jusqu’au cercle pour y donner des cours, c’était entre 1935 et 1937.
1964 : La création de l’association Gharnata par Cheikh Bouali, Mustapha Belkhodja, Ahmed Benosman, Djeloul Benkalfate, Abdellah Abou Bakr, Abdelmadjid Sekkal, et d’autres…1966 : Recréation de la SLAM, qui a obtenu quelques mois plus tard, la médaille d’or au 1er Festival National à Alger.1969 : Enregistrement avec la SLAM de 10 Noubas, certaines dépassant parfois les 2h et demi. 1974 : Cheikh Bouali prend sa retraite de comptable, et se consacre à « mise en ordre » du répertoire tlemcenien…Entre temps, il s’intéresse de près à l’orchestre du Lycée Docteur Benzerdjeb, et fait de lui « l’Association Mustapha Belkhodja », en hommage à son ami de toujours, décédé en 1968. Entre 1971 et 1981, il a participé avec ses amis les autres maîtres de l’époque à élaborer les 3 tomes des « Mouwachahate oual Azdjal », rassemblant et classant les différents poèmes classiques retrouvés à Tlemcen, Alger et Constantine. 1987 : Il fût membre fondateur de « l’Association Nationale de la Sauvegarde du Patrimoine National », créée à Alger et présidée à l’époque par son ami Sid Ahmed Seri. 1995 : Il fut honoré avec la SLAM au Musée Bardot par le ministre de la communication de l’époque. Plusieurs hommages lui ont été rendus de son vivant (par les associations El Fakhardjia d’Alger, El Qortobia de Tlemcen…), ou après sa mort, à titre posthume (Festival de Tlemcen, et Hommage par le Président de la République à Oran en 2000…)
-Cheikh Bouali, connu aussi par son esprit pédagogique dans la transmission de notre patrimoine, son grand dévouement et sacrifice pour que vive notre musique, ainsi que par les relations particulièrement conviviales avec « les autres écoles », tels Sid Ahmed Seri d’Alger, Dahmane Benachour de Blida, Sadeq Bédjaoui de Bédjaïa, Abdelmoumen Bentoubal & Kaddour Dersouni de Constantine.
-Cheikh Bouali, est décédé un 10 janvier 1998, emmenant avec lui, un répertoire* assez riche. Toute sa documentation fut confiée à son fils Abdellah, qui attend qu’un Conservatoire puisse enfin exister à Tlemcen, pour être mise à la disposition de la mémoire générale. Telle était la volonté du Maître avant sa mort…
PS. Il n’y a toujours pas de Conservatoire à Tlemcen…
(*)Déjà, il y a 20 ans, Abdelhakim Méziani, tirait la sonnette d’alarme, dans un article publié le Mercredi 02/04/1986 au Moudjahed : « De grâce, réagissons pendant qu’il est encore temps. Car, il n’y a pas meilleur service à rendre à un peuple que de lui proposer 22 « touchiate », 518 mélodies dans le classique, 124 poèmes dans le Mdih. Et Mohamed Bouali, de la SLAM de Tlemcen, est en possession de tous ces trésors qui ne résistent guère à l’érosion du temps. Ainsi, tout cet héritage risque d’être enfoui à jamais comme tant du reste…Le maître tlemcenien contribue pleinement, il est vrai, à la propagation de cet art auprès de ses nombreux élèves. Mais, lorsqu’il vous fait remarquer, humblement, la mort dans l’âme, qu’il n’a réussi à enseigner que la moitié de son répertoire, il est aisé de souhaiter la mise à mort de l’indifférence dans laquelle semble confinée notre culture nationale. »