C’est avec une grande tristesse que Tlemcen et l’univers andalou algérien a perdu aujourd’hui l’un de ses grands maîtres, en l’occurrence Cheikh Mustapha Bereksi, décédé aujourd'hui le mardi 11/05/2010 à l'age de 91 ans.
Avec la disparition de Maître Mustapha Bereksi, disparaît le dernier symbole restant de l’orchestre de Cheikh Larbi Bensari.
"Au nom du blog Andaloussiate, et de ses fidèles lecteurs, nous présentons nos sincères et chaleureuses condoléances à la famille du Cheikh, ses amis et tout l’univers musical de la ville de Tlemcen."
Article publié le 14/06/2006 sur Andaloussiate (Rubrique Maîtres & Biographies) :
A 87 ans, notre Cheikh ne cesse de servir la transmission de notre patrimoine à la nouvelle génération, par l’enseignement mais aussi les différentes mises au point…Et ce n’est que justice rendue, par devoir et par reconnaissance que l’association Nassim El Andalous d’Oran, s’était donnée la promesse d’organiser, en 1998, un hommage à ce grand maître, qui représente dignement l’école de la musique andalouse de Tlemcen…
Hadj Mustapha Senouci-Bereksi, issu d’une des plus grandes familles tlemceniennes, est né le 16 juin 1919 à Tlemcen, Rue de Paris. Amateur passionné de la musique andalouse et du Haouzi, il s’est épanoui dans un milieu professionnel. Notre musicien, encore adolescent, avait déjà un avant goût de la part de son père, Maâlem El Habib. Ce dernier avait constitué une troupe de T’bal (zorna) qui se reproduisait uniquement pendant les mariages. Cet avant goût va, certes, conditionner le jeune Mustapha, alors âgé de 14 ans. Il s’est donné au sport (boxe) pendant quelques temps.
Très vite, il se retourne vers la musique d’autant plus que son patron d’atelier de tissage, en l’occurrence Ahmed Karadja était musicien. Tous les jours, à la fin du travail après la prière d’El Asr, les amis mélomanes se réunissaient pour des répétitions. Le travail fini, le jeune apprenti préférait rester encore pour écouter la musique des grands maîtres. Les cours étaient payants, mais peu importe, il fallait apprendre à jouer de la Kouitra , mais Si M’Hammed Bensari donna les premiers rudiments de l’instruments et surtout l’apprentissage des textes avec la musique, la façon de jouer au plectre a été saisi au vol auprès de Cheikh Lazaâr Dali Yahia, un habitué des réunions quotidiennes chez Ahmed Karadja.La vente de la maison des grands parents obligea la famille Bereksi à déménager et habiter Derb Messouffa, dans une maison où logeait un grand maître qui n’était autre que Cheikh El-Kermouni Serradj Abdelkader. Celui-ci, ayant sensiblement l’âge de Cheikh Larbi BenSari, était aussi l’élève de Maqchiche puis Cheikh Boudelfa…Ce voisinage heureux pour notre musicien venait à point, car il est très vite pris en main par Cheikh El Karmouni. Après quelques répétitions, notre musicien a été sollicité pour jouer devant le public et il interpréta toute une nouba Raml Maya à la Kouitra.
Le jeune Mustapha acheta d’abord la S ’nitra (mandoline) qui lui fut interdite même casée par le père qui avait peur pour lui qu’il n’abandonne son métier de tisserand. Ce qui n’empêchait pas notre musicien d’acheter plus tard la Kouitra de Cheikh Lazaâr, laissé, cette fois-ci, chez son premier maître M’Hammed BenSari, alors virtuose du violon.
Il resta sous la houlette de Cheikh El Karmouni jusqu’à la mort de celui-ci, en 1946, mis à part le hiatus de deux ans et demi au service militaire de notre musicien. C’est alors que Cheikh Omar vint le solliciter pour faire partie de son orchestre au moment où Abdelkrim Dali venait de quitter Tlemcen pour partir à Alger. Cheikh Omar avait vraiment besoin d’un soliste et il ne pouvait trouver mieux que Mustapha Bereksi. C’est Cheikh Omar qui se chargea d’obtenir l’autorisation et la bénédiction du Maâlem El Habib Bereksi.
Faisant partie de l’orchestre de Omar Bekhchi, il parfait alors ses connaissances en matière de Senaâ et de Haouzi ; quant au Gherbi, il l’apprenait lors des mariages, animés par Cheikh Lazaâr Dali Yahia.
La fin des années 40’ a été marquée par l’événement des enregistrements à la Radio de Tlemcen (créée en 1948). Une première tentative a été faite en 1946 à Dar Askri (qui se trouvait derrière le cercle des jeunes algériens, actuellement cercle de la SLAM ). Le premier orchestre a été celui de Cheikh El Karmouni avec Abderrahmane Sekkal et Mustapha Bereksi. Le deuxième orchestre était celui de Abdeslam BenSari pour le Madih. Ensuite, les enregistrements se faisaient à Bel Air (ancien siège de Radio Tlemcen), avec des essais des orchestres : celui de Cheikh Larbi Bensari, le plus en vogue, celui de Abdesslem BenSari et enfin celui de Omar Bekhchi. Finalement, il a été décidé de ne le laisser qu’un seul orchestre : les différents maîtres sous la direction de Cheikh Larbi et ceci jusqu’en 1962. Mustapha Bereksi a fait partie de ce grand orchestre pendant tous les enregistrements. Cependant, il a évolué dans l’orchestre Cheikh Omar jusqu’à la mort de celui-ci, en 1958.
Suffisamment connu par Cheikh Larbi, celui-ci le pris dans son orchestre et lui dédia un livre, écrit de sa main, regroupant tous les morceaux. En 1962, malgré l’arrêt des enregistrements à Radio Tlemcen pour des raisons obscures, mariages et manifestations culturelles avaient repris. Mustapha Bereksi a été le premier assistant de Cheikh Larbi jusqu’à sa mort, en 1964. C’est alors que tous les mélomanes tlemceniens demandèrent expressément à Mustapha Bereksi de prendre en main et de diriger l’orchestre de Cheikh Larbi. Il en devient le chef d’orchestre de 1965 à 1973. Durant ces huit années, l’activité a été intense.
Outre des répétitions, il eut l’animation des mariages, la participation aux trois festivals de la musique andalouse à Alger, au festival de musique populaire pour le Haouzi, les différentes manifestations culturelles à travers tout le territoire national. De même, Mustapha Bereksi a été sollicité aussi bien pour enseigner la musique andalouse au lycée Docteur Benzerdjeb, que pour relancer, avec quelques mélomanes, l’association Gharnata.
Cependant, il y a arrêt en 1973. Notre musicien est revenu à son idée princeps, celle d’être amateur avant tout et se consacra, alors, à sa famille et à son travail de tisserand. Mais « arrêt » ne veut pas dire rupture, car, jusqu’à présent il ne cesse de prodiguer l’enseignement à toute association qui vient le solliciter.
Quand on veut apprécier plus ce Cheikh, c’est en cercle privé par sa voix et sa Kouitra pour se laisser facilement emporter vers les jardins de l’Alhambra, ou tout simplement vers les beaux jardins de Tlemcen.