SOS culture : Le Festival de Tlemcen est en danger !
Tlemcen se préparait à vivre la 27ème Edition de son Festival de Musique Traditionnelle, qui devait se tenir du 09 au 13 juillet 2006, avec la participation de 15 associations venant d’Alger, Miliana, Blida, Mostaganem, Oran, Sidi Bel Abbes, Nedroma et Tlemcen. Pourtant, à la grande déception et incompréhension de tout le monde, le coup d’envoi n’a pas été donné : le Wali aurait pris possession de l’évènement et en aurait décidé autrement ...
Créé en 1974, le Festival de Musique Andalouse était parrainé par les Autorités Locales de Tlemcen, et le Ministère De La Jeunesse & Des Sports. Ce dernier s’est défait récemment et d’une manière officielle de l’organisation des festivals, pourtant, ceci n’a pas découragé certaines gens soucieuses de garder en vie cette grande rencontre musicale dans laquelle se marient toutes sortes de couleurs de notre patrimoine andalou : le Festival a été pris en charge par le comité des fêtes de l’APC de Tlemcen, qui s’est chargé de l’organisation de l’évènement, tant bien que mal…A cause de la rareté des ressources financières, il a été décidé de réduire en 5 jours la durée du Festival, qui d’habitude se vivait en au moins une semaine. Qu’importe, le plus important avant tout c’est qu’il ait lieu.
15 associations ont été invitées, représentant le style andalou algérois et tlemcenien, le programme était tracé au rythme de 3 associations par soirée; ajouté aux tables rondes et aux hommages à certains maîtres décédés récemment...Tout comme l’année dernière, l’évènement était censé avoir lieu au « Grand Bassin », un magnifique endroit qui a été aménagé il y a quelques années, autant pour les promenades que pour les spectacles !
Au moment où le Festival avait besoin de soutien et d’attention surtout, la Wilaya de Tlemcen aurait manifesté son indifférence à l’égard de cet évènement qui date pourtant depuis plus de 30 ans, et qui demeure l’une des constantes de la ville de Tlemcen. Alors qu’il ne restait que le coup d’envoi à donner, le Wali aurait décidé de reporter l’évènement tant attendu…Tout ça parce qu’il reprochait à l’APC de Tlemcen le fait d’organiser le Festival « sans son accord ». C’est du moins ce que nous a rapporté le responsable du festival au niveau de la mairie de Tlemcen. Le sort du Festival est finalement entre les mains du Wali. (Selon la même source, le Festival de cette année a été reporté une 1ère fois car le Wali était absent et il fallait attendre son retour pour l’informer !)
Le Festival tant attendu n’a donc pas eu lieu, d’une nuit au lendemain, tout a été bloqué. Imaginez l’immense déception qu’ont pu ressentir les organisateurs qui se sont donnés de la peine pour que l’évènement ait lieu malgré tout, mais aussi le découragement des associations conviées, et qui ont mené leurs répétitions jusqu’à la dernière minute. Imaginez surtout la déception et la colère des tlemceniens qui se voient privés d’un Festival qu’ils ont vu grandir au fil des années, et qui espèrent une explication.
Ne cachons pas la forêt avec un arbre, Tlemcen ville « d’art, de culture et d’histoire » n’a mérité pourtant que ce Festival, un « seul » grand évènement culturel qui lui redonne plus ou moins vie, après une lourde léthargie culturelle imposée aux tlemceniens durant toute une année…Il est peut-être temps de rebaptiser la ville en tant que « ville morte, bonne pour les histoires » !!!
- Le plus stressant : c’est que le Festival est en « Stand-By », il n’a pas été fixé à une date précise, et tout le monde se demande, tout simplement, s’il aura lieu cette année.
- Le plus décevant : c’est que cet « incident » a été ignoré par la presse et même la Radio locale de la ville de Tlemcen, qui ont préféré en parler d’une manière assez timide, ou tout simplement « l’ignorer ». Pourtant, les média ne se sont pas gênés pour annoncer le Festival, avant qu’il ne soit reporté/annulé…Pourquoi tant de silences? De quoi a-t-on peur ? Est-ce que nos journalistes accomplissent correctement leur devoir d’informer et de servir la vérité ?
- Le plus surprenant: c’est que tous ceux qui se disent représenter et défendre le patrimoine andalou de la ville de Tlemcen (associations musicales, ou autres…), ont préféré garder le silence et de se résigner gentiment à la décision du Wali...Visiblement, on a peur de subir une quelconque colère…Pourtant, il ne s’agit que de réclamer un droit légitime de toute une ville et de tout un patrimoine.
En toute objectivité, Tlemcen avec sa population et son patrimoine andalou ne méritent pas de porter le poids d’une telle sanction. Est-il trop demandé d’exiger les explications d’une telle décision ? Y a il une personne capable de demander des comptes sur les raisons exactes d’une telle punition ? Au nom d’une musique, une culture, un patrimoine et toute une histoire…
- Plusieurs pensent que la seule solution pour maintenir en vie ce Festival qui est en « danger », est de le détacher des autorités locales de la ville de Tlemcen, mais pour cela, il faudrait qu’il soit pris en charge par beaucoup de bonne volonté, et parrainé par des sponsors, ou bien faudrait-il le mettre sous la houlette d’un autre organisme : Le Ministère De La Culture par exemple…
· Ce qui se passe à Tlemcen a suscité tout de même une réaction officielle, qui nous est venue de la ville de Houston (Texas). Il s’agit de Dr. Yahia Ghoul, chirurgien cardiologue, musicologue, et membre fondateur et ancien chef d’orchestre de l’Association Nassim El Andalous d’Oran. Même s’il est à milles lieux de ce qui se passe à Tlemcen, il s’est senti concerné et a tenu à exprimer son mécontentement et sa déception a travers le blog Andaloussiate:
Je croyais que nous étions au 3ème millénium, mais je vois que je me trompe de nouveau. Ce responsable, n’a-t-il pas accès à la presse nationale, ou à l’information électronique à la portée de tout le monde de nos jours, pour le mettre au courant qu’il y a des activités culturelles en cours dont l’origine ne date pas d’aujourd’hui? N’est-il pas entouré de conseillés et de chefs de départements dans le chapitre « culture » qui pourrait supplémenter son manque d’information à cause des sa profession accaparante au service d’un peuple qui semble n’avoir aucune importance en vue de cette décision.
N’est-il pas plus arrogant de mépriser tout un peuple, toute une tradition érigée depuis plus de 30 années, uniquement dans le but de préserver nos valeurs culturelles combien fragiles déjà, au prix d’une autorité totalitaire et arrogante ?
J’espère sincèrement me tromper, et serait prêt à formuler des excuses dans le cas contraire. Par conséquent, dans le système démocratique dont bénéficie notre nation, « par le peuple et pour le peuple », il semble tout à fait légitime d’exiger une explication claire et transparente pour une décision aussi néfaste et méprisante à l’égard de notre patrimoine culturel.
Quelle manière de sanctionner un si long travail de préparation par les différentes formations culturelles de toutes les régions de notre pays, et quelle frustration devraient ressentir ces jeunes élèves (dont leurs propres enfants peut-être) qui attendaient sans doute avec impatience le moment de leur vie pour prouver à leur entourage le fruit des efforts remarquables qu’ils ont investi dans leur apprentissage. Cette attitude défie toute logique et constitue une véritable insulte à la communauté culturelle du pays entier.
Sans aucune animosité personnelle, et en accordant le bénéfice du doute à chaque situation dans le but d’une objectivité scientifique, j’espère sincèrement que c’est une erreur temporaire, et que nos responsables n’hésiteront pas à avoir le courage de justifier leurs actions auprès de leurs propres enfants et collègues, qu’ils ont le devoir de respecter car leur responsabilité administrative incombe un sens du devoir, de servitude, et un respect total envers leur employeur le plus important : le peuple algérien, par excellence. Longue vie à notre nation, notre peuple et nos valeurs culturelles.
Dr. Yahia Ghoul